Apprendre la musique en collectif favorise-t-il les interactions sociales ?
National
12.12.22

Depuis 2020, une étude de sciences cognitives est menée auprès des orchestres Démos Paris et Démos Yvelines (ce dernier impliqué seulement dans sa dernière année, en 2021-2022). Cette étude vise à comprendre et mettre en regard l’impact des modes collectif et individuel d’apprentissage musical sur le développement du cerveau des enfants.
Différents types de capacités sont regardées : musicales, cognitives mais aussi socio-cognitives. Le fait d’apprendre la musique au sein d’un dispositif collectif tel que Démos, ensemble composite, favorise-t-il les interactions sociales ?
Au cours des dernières décennies, plusieurs études de neurosciences cognitives se sont intéressées à l’impact de l’apprentissage de la musique sur les individus, étant donné les nombreux bénéfices qu’il engendre. Ces études suggèrent notamment que la pratique musicale peut constituer un levier pour accompagner le développement de capacités cognitives telles que le langage, la mémoire, l’inhibition et la flexibilité cognitive, entre autres. D’autres études ont permis de mettre au jour certains effets d’une activité musicale en groupe sur les compétences sociales (altruisme et coopération) des enfants. Une étude a ainsi montré que des enfants de 4 ans et demi engagés dans une activité de synchronisation musicale ont tendance, après cette activité, à être plus coopératifs dans une tâche de résolution de problème que les enfants qui ne font pas d’activité musicale mais une autre activité de groupe. La pratique musicale en groupe serait donc bénéfique aux comportements prosociaux chez les enfants.
Si la recherche scientifique établit un lien entre musique en groupe et comportement prosocial, elle ne dit cependant rien de la différence d’impact entre des situations d’apprentissage musical en groupe et en individuel. C’est cette question du mode d’apprentissage (collectif vs. individuel) qu’une doctorante tente actuellement de prendre en charge dans le cadre d’une thèse CIFRE mise en place par la Cité de la musique – Philharmonie de Paris en partenariat avec le laboratoire de psychologie des apprentissages LaPsyDÉ, de l’Université Paris Cité. L’étude suit environ 60 enfants de Démos (pratique musicale collective), mais aussi 60 élèves de conservatoire (pratique musicale majoritairement individuelle) et un même nombre d’enfants ne pratiquant pas de musique (groupe témoin). Pour assurer ce suivi longitudinal, les mêmes tests sont administrés aux enfants à deux ou trois reprises, en fonction de l’année de formation des enfants (première ou troisième), sur 1 année et demie. Grâce à ces tests, le développement des compétences musicales, cognitives et socio-cognitives peut être observé, mesurant par exemple la synchronisation motrice ou l’attention auditive, ou encore les biais en faveur ou défaveur de son groupe d’appartenance.
Dès ce mois de décembre et pour 3 mois se déroulera la dernière phase de mesure du projet, auprès des enfants Démos Paris et des deux groupes de comparaison associés. Elle s’ajoute aux deux phases précédentes ayant eu lieu à l’automne 2021 et au printemps 2022. Les résultats complets de cette étude ambitieuse seront présentés à l’automne 2023 au cours d’un événement hautement symbolique sur le plan académique : la soutenance de thèse. Outre des retombées intéressantes applicables à d’autres types d’apprentissage, l’étude devrait enrichir notre compréhension des effets de la musique sur les compétences sociales et ceux d’une pédagogie musicale collective sur les inégalités socio-économiques et culturelles.
Photo : Bertrand Desprez